Friday, July 29, 2011

Les journalistes refusent de peindre tout en rose

Des responsables d’associations de journalistes et de médias s’insurgent contre une tentative du président haïtien, Michel Martelly, de bâillonner la presse.

Max Chauvet, président de l'Anmh; Frantz Duval, rédacteur en chef de Le Nouvelliste (au milieu) et le chef de l’État (à droite). Photo: Frédérick Alexis/Le Nouvelliste
Le chef de l’État qui intervenait le jeudi 28 juillet 2011 au lancement de Magic Haïti, une publication dédiée à la relance du tourisme dans le pays, s’en prend à la presse en générale et en particulier à des émissions qu’il estime à sensation. « Je reste positif, je crois qu’on a une opportunité, et ceux-là qui sont mécontents, au moins taisez-vous. Laissez la chance aux jeunes diplômés revenus de l’étranger ou à ceux qui sont dans la rue en quête d’opportunités, vous qui avez déjà échoué, qui exploitez la misère, les faiblesses d’Haïti, taisez-vous », a déclaré le chef de l’État.


S’agissant spécifiquement du fonctionnement de la presse, a rapporté Radio Kiskeya, Martelly a gentiment tapé sur les doigts des journalistes, reprochant aux médias de donner libre cours au sensationnalisme au détriment du pays et de ses intérêts supérieurs. « Ces jours-ci j’évite d’écouter les émissions à sensation, question de pouvoir se payer l’heure, des émissions qui claironnent que rien ne va et prédisent des événements dramatiques. C’est bon pour ceux qui aiment les sensations, mais pour Haïti c’est un pas à l’opposé », a poursuivi le chef de l’État. Il dit avoir à sa disposition la loi et les forces armées et qu’il n’a peur de rien maintenant. Que ceux qui auraient l’intention de s’attaquer à lui sachent à quoi s’en tenir, a-t-il prévenu. Michel Martelly a confié qu’il restait dans un état d’esprit positif malgré l’hésitation de la presse à répondre à son invitation de l’accompagner. Cependant, souligne-t-il, il ne recherche pas pour autant le soutien des médias et peut aisément s’en passer.


Une de Le Nouvelliste du 29 juillet 201
Les propos du chef de l'État sont attentatoires à la liberté de la presse, juge le secrétaire général de l'Association des journalistes haïtiens (Ajh). « Le Président n’a nullement le droit de dicter à la presse la façon dont elle doit faire son travail. La Présidence aurait intérêt à expliciter davantage les dernières déclarations du chef de l’État, appelle les membres de la presse à ne pas se laisser intimider », a réagi Jacques Desrosiers. « Nou pap taire (la presse ne se taira pas », a ironisé le secrétaire général de l’association vielle de plus d’un demi-siècle.    


Ancien président de l’Association nationale des médias haïtiens (Anmh), Hérold Jean-François ne digère pas non plus les propos de Michel Martelly qu’il assimile à une atteinte à la liberté de la presse. « Aucun dirigeant, même avec le soutien des armes et de la loi, ne peut s’arroger le droit de réduire au silence la presse, car les hommes et les femmes d’Haïti ont conquis de manière irréversible la liberté d’expression », a averti M. Jean-François qui intervenait sur les ondes de Radio Kiskeya. Propriétaire de Radio Ibo, Hérold Jean-François rappelle aussi à celui qui ose aujourd’hui demander aux autres de se taire, comme pour payer le prix d’un certain échec, que tout au long de sa carrière artistique très mouvementée il introduisait des ingrédients de toutes sortes dans ses chansons.


Avant même sa prestation de serment le 14 mai 2011, Michel Martelly avait des relations très tendues avec des journalistes et des médias de Port-au-Prince.

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